Deux mois après son adoption au Parlement, la loi Duplomb continue de faire couler beaucoup d’encre. Entre contestation citoyenne, censure partielle du Conseil constitutionnel et promulgation express par Emmanuel Macron, le bras de fer autour de ce texte est loin d’être terminé.
Une pétition record contre la loi Duplomb
Lancée sur la plateforme des pétitions de l’Assemblée nationale le 10 juillet, la pétition intitulée « Non à la loi Duplomb – Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective » a déjà récolté plus de deux millions de signatures.
Un chiffre inédit, qui dépasse largement les précédentes initiatives citoyennes. Ce succès s’explique par la forte opposition au texte, accusé de mettre en danger la santé publique, la santé humaine et l’environnement.
Beaucoup y voient une victoire symbolique : jamais une pétition en ligne n’avait rassemblé autant de monde contre une proposition de loi en France.
📌 Petit rappel :
La loi Duplomb, c’est quoi ?
Adoptée en juillet 2025, la loi Duplomb est un texte agricole porté par le sénateur Laurent Duplomb. Elle prévoyait notamment de réintroduire un pesticide interdit en France, l’acétamipride (de la famille des néonicotinoïdes). Officiellement, l’objectif était d’aider certaines filières agricoles comme la betterave ou les noisettes à lutter contre des ravageurs.
Mais ce retour a provoqué une forte contestation citoyenne et scientifique, car ce pesticide est jugé dangereux pour la santé humaine et la biodiversité.
Que peut changer la pétition ?
Sur le plan juridique, une pétition n’a pas la force d’un référendum. Elle ne peut pas « abroger » une loi. Même avec des millions de signatures, elle ne déclenche pas automatiquement un vote ou un référendum.
En revanche, depuis la réforme de 2019, une pétition qui franchit le seuil des 500 000 signataires peut être examinée par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale. Celle-ci peut alors décider d’organiser un débat en séance publique.
En clair : la pétition ouvre une porte, mais c’est aux députés de choisir de la franchir ou de la classer sans suite.
Ce qu’a censuré le Conseil constitutionnel
Le 7 août, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision. Les juges ont censuré la disposition la plus controversée : la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide interdit en France depuis 2018, accusé de menacer la biodiversité et la santé publique.
Mais d’autres mesures ont été validées :
- les simplifications administratives pour les gros élevages,
- l’agrandissement des bâtiments agricoles,
- la construction de retenues d’eau, sous conditions précises.
Macron promulgue la loi malgré tout
Malgré cette censure partielle, Emmanuel Macron a promulgué la loi Duplomb le 12 août.
La FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) a dénoncé une décision « injuste » pour les agriculteurs, tandis que les écologistes demandent l’abrogation.
Une mobilisation qui continue
Pour Éléonore Pattery, l’étudiante à l’origine de la pétition citoyenne, la censure partielle est déjà « une victoire ». Elle rappelle que la voix des Français doit être prise en compte : « La voix du peuple compte. Elle est légitime ».
Du côté des agriculteurs, les réactions divergent. La FNSEA juge « inacceptable » la décision du Conseil, redoutant une concurrence déloyale avec d’autres pays européens. Les écologistes, eux, annoncent vouloir déposer une nouvelle proposition de loi demandant l’abrogation du texte.
Et maintenant ?
Aujourd’hui, la situation reste ouverte. Plusieurs scénarios sont possibles :
- Un débat en séance publique si la Conférence des présidents le décide à la rentrée parlementaire.
- Une réévaluation européenne de l’acétamipride, demandée par le ministre de la Santé pour vérifier ses effets sur la santé humaine.
- Une nouvelle proposition de loi déposée par les opposants, demandant son abrogation.
- Un référendum présidentiel, hypothèse rare mais constitutionnellement possible, si la pression citoyenne s’accentue.
Une leçon démocratique pour la France
Même si la pétition ne peut pas bloquer la loi Duplomb, elle a déjà changé quelque chose : elle a montré que la mobilisation citoyenne pouvait peser sur les institutions. Avec ses millions de signatures, elle illustre un besoin croissant de participation directe à la vie politique et une défiance vis-à-vis des méthodes parlementaires jugées trop opaques.
Comme en 2006 avec le CPE, la loi pourrait être promulguée mais reste inappliquée si la contestation se renforce. Une chose est sûre : l’affaire Duplomb n’a pas encore écrit son dernier acte.
https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-3014?locale=fr