Et si l’art naissait là où l’on ne regarde plus ? Là où les objets sont usés, abandonnés, jugés sans valeur ? Depuis plus d’un siècle, certains artistes ont choisi de faire des rebuts leur matière première, transformant les déchets en œuvres puissantes, belles et engagées. Au sein de l’art, le recyclage devient alors une méthode de création, mais aussi de contestation : une façon de redonner du sens à ce qui devait être jeté. À travers cet art singulier, c’est le monde moderne, avec ses excès, ses oublis, ses urgences, qui se trouve mis en lumière. 🌞
Point histoire : les racines de l’art de récupération
À l’issue de la Première Guerre mondiale, un profond désenchantement touche la société. Les artistes, bouleversés par l'absurdité et la violence du conflit, remettent en question les codes traditionnels de l'art. Ils ne veulent plus d’un art "beau", académique ou élitiste. Ils cherchent au contraire à provoquer, choquer et bousculer les normes établies. En 1916, c’est dans ce contexte que le Dadaïsme émerge à Zurich.
Le Dadaïsme aussi appelé Dada, est un mouvement anti-artistique par essence, qui tourne en dérision l’art bourgeois et ses conventions. Les artistes comme Marcel Duchamp détournent les objets du quotidien, pour en faire des œuvres provocantes. C’est d’abord cette approche qui jette les bases de l’art de récupération, où l’objet usé, cassé ou abandonné devient matériau artistique.
💡 Le saviez-vous ? Le célèbre urinoir de Marcel Duchamp intitulé Fountain est son œuvre majeure.
Plus tard, dans les années 1960, c’est ensuite le mouvement italien de l’Arte Povera qui prolonge cette idée en valorisant des matériaux issus de la nature comme la terre, le bois, ou de la récupération comme la ferraille, les chiffons, les déchets… Les artistes comme Michelangelo Pistoletto ou Jannis Kounellis veulent se reconnecter à la matière brute et à la réalité, en opposition à l’art commercialisé et institutionnalisé. Dans leurs œuvres, ils démontrent qu’il est tout à fait possible de créer avec ce qui a déjà été utilisé.
Aujourd’hui, dans le contexte de la crise écologique, les artistes contemporains les plus engagés continuent d’utiliser ces techniques de récupération, initiées le siècle précédent, pour transmettre des messages. 🧑🎨
Tapisserie El Anatsui / Crédit The New York Times
Une nouvelle matière pour une nouvelle création artistique
Le recyclage est une démarche écologique de plus en plus employée dans l’art.
Dans les ateliers, sur les places publiques ou dans les galeries d’art, les déchets prennent une nouvelle forme. Dans l’art, le plastique, le métal, le verre brisé, le tissu usé ou même les appareils électroniques hors d’usage peuvent devenir des éléments constitutifs d'œuvres d'art en tout genre, comme des sculptures, des installations ou des fresques.
En détournant la finalité de ces matériaux normalement voués à l’abandon, les artistes questionnent la société de consommation, le rapport des Hommes à la nature ainsi qu’à la surproduction. 🌚
Le recyclage dans l’art contemporain : entre engagement et esthétisme
Dans l’art contemporain, la récupération de déchets se révèle plus que jamais comme une manière d’affirmer un engagement. Pour de nombreux artistes, créer à partir de rebuts permet de donner une valeur à ce qui en a été privé.
Cette technique est un acte de résistance face à l’obsolescence programmée, mais aussi une manière artistique de montrer que rien ne se perd, tout se transforme.
Quelques artistes impliqués
L’artiste nigérien El Anatsui utilise, par exemple, des capsules d’aluminium pour composer ses immenses tapisseries. L’artiste portugais Bordalo II, lui, utilise les déchets plastiques pour créer ses géants animaux colorés. Ils ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres…
Finalement, ce type d'œuvre d’art attire l’attention autant par leur esthétisme que par la conscience qu’elles éveillent.
📌D’autres artistes qui sensibilisent à l'écologie :
Concert : la violoncelliste Olivia Gay joue sous les arbres pour sensibiliser à la déforestation