Après le Seconde Guerre Mondiale, une frénésie de consommation gagne l’Occident.
Dès les années 1963, Ikea se présente aux consommateurs comme une révolution dans le secteur de l’ameublement, démocratise le design et ringardise les traditionnelles boutiques de meubles. À cette même époque, alors que dans la banlieue de Stockholm, le premier grand magasin Ikea voit le jour, des milliers de personnes se laissent séduire par le phénomène. Aujourd’hui, le géant suédois est l’enseigne favorite des consommateurs et meuble la planète. Mais à quel prix ?
Derrière un beau catalogue, une triste réalité
Comment pourrait-on imaginer que derrière les douces pages des catalogues Ikea se cache un si un gros fléau ? La réalité est pourtant la suivante : 20 millions de m cubes de bois sont coupés chaque année pour répondre à la croissante demande des consommateurs du géant suédois. Pour vous donner une idée, cela représente en moyenne un arbre tué toutes les deux secondes. Des arbres qui prennent des milliers d’années à pousser pour devenir des meubles qui ne dureront pas plus de 20 ans. Voilà sur quel modèle non respectueux de l'environnement s’appuie la multinationale suédoise.
L’exploitation des pays communistes pour satisfaire le capitalisme
Derrière les meubles à petit prix et les cartons plats d’IKEA, il y a une autre histoire : celle d’une entreprise suédoise qui depuis ses débuts exploite la main-d’œuvre bon marché des pays de l’Est dont la Pologne pour conquérir le monde. Aujourd’hui encore, 20 % des meubles IKEA en proviennent. Le lit Kura, par exemple, est produit à 200 000 exemplaires par an.
Dès les années 50, Ingvar Kamprad, le fondateur, mise sur des artisans et des usines proches des forêts pour réduire les coûts. Le modèle plaît, la consommation explose, les foyers s’équipent, et le capitalisme trouve son nouveau jouet : le fast furniture. Des meubles conçus vite, vendus en masse, montés par les clients eux-mêmes, et souvent achetés sur un coup de tête. Finalement, chaque année, ce sont 2000 nouveaux articles qui rejoignent les pages des catalogues et les rayons des magasins…
Une Europe divisée face à l’avenir de ses forêts
Même si la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation des espèces sont entre les mains de l'Europe, l'exploitation commerciale des forêts relève des politiques nationales propres aux pays dans lesquels elle est exercée. Dans ce contexte, l'Union Européenne est vraiment divisée : les écologistes veulent protéger leur forêt et les espèces animales qu’elles abritent : loups, lynx, et les 40 % de la population européenne d’ours, pendant que les entreprises sous traitantes d’Ikea (qu’elles soient polonaises, roumaines ou suédoises, etc) préfèrent faire de l’argent sur le compte de la nature. Sans oublier que Ikea a récemment commencé à s’attaquer à une autre partie du monde : la forêt amazonienne…
Les citoyens en colère
Poumon vert de l'Europe, les forêts ne peuvent continuer de disparaître. Et c’est ce que les citoyens tentent de faire entendre aux autorités. Certains agissent via les réseaux sociaux en publiant pour alerter l’opinion publique sur les coupes de bois abusives, d’autres agissent dans le réel. Mais on peut dire que c’est une véritable guerre des forêts quand on connaît le nombre de barbaries opérés sur les militants :
- 100 défenseurs de la nature agressés
- et 6 défenseurs de la nature tués. (et peut être plus depuis 2023)
Gabriel Paun, militant roumain, a lui aussi failli perdre la vie en 2015 suite à des attaques de gardiens d’usines parce qu'il voulait protéger les forêts et les parcs nationaux de l’exploitation forestière brutale. Les défenseurs tentent aussi de mettre en avant le fait que la moitié du bois récolté l’est en toute illégalité sans aucune autorisation. Malheureusement, une fois que le bois est coupé et accumulé, on ne peut savoir si c’est du bois légal ou non.
Ikea : entre promesses écologiques et dérives cachées
Derrière la belle image verte que se donne Ikea, se cache une triste réalité : une nature qui paie pour des produits bon marchés. Ikea revendique toujours faire le nécessaire pour la nature notamment “grâce” à la certification FSC (Forest Stewardship Council). En 1992, le géant suédois obtient en effet ce label, qui vise à promouvoir une exploitation forestière plus vertueuse.
Mais à ce même moment, une vague de critiques concernant l'efficacité de la FSC déferle. Certaines de ses ONG fondatrices quittent même son organisation en dénonçant les conflits d'intérêts et le manque de rigueur dans l'application des normes suggérées par le label, qui soutient des sociétés de bois qui ne les respectent pas.
De plus, l’une des entreprises qui travaille avec Ikea au Brésil a reçu de nombreuses plaintes et amandes pour des motifs d’atteinte à l’environnement. La société aurait en effet enterré des produits chimiques dans les sols. Si depuis des dizaines d’années Ikea évite les poursuites, c’est parce qu'elle a pour habitude de mettre les fautes sur ses sous traitants.
Compensation carbone ou spoliation des terres ?
De plus, Ikea s’est lancé dans l’achat de fermes et terres agricoles en Suède pour créer des forêts de compensation carbone et ainsi continuer de se donner une image verte . Mais encore une fois, derrière cela se cache des communautés locales qui sont impunément privées de leurs pouvoirs sur leurs terres.
Dans une autre partie du monde, en Nouvelle-Zélande, la communauté Maorie voit également son lien sacré avec la forêt et ses pratiques ancestrales menacés par l’exploitation intensive d’Ikea. Ces activités perturbent l’écosystème, mais aussi le mode de vie autochtone, qui repose sur l’équilibre avec la nature. Privées d’accès à leurs terres, ces communautés subissent une dépossession culturelle et économique, pendant que les multinationales engrangent des profits considérables.
À travers le monde, les forêts et les océans sont les principaux atouts pour lutter contre le réchauffement climatique, il est essentiel de repenser nos modes de consommation. Avant l’apparition d’Ikea, les meubles se transmettaient de générations en générations et c'était très beau. Même si aujourd'hui il paraît plus simple de jeter et de racheter, il est essentiel de se tourner vers d’autres possibilités en faveur de notre planète.