Sur Instagram ou TikTok, impossible de passer à côté : le matcha est partout. Latte glacé, pancakes, masques beauté… Ce thé vert japonais en poudre est devenu un emblème de la génération wellness. Mais alors que la planète en redemande, le Japon peine à suivre. Le matcha est victime de son succès, et le monde entier pourrait bientôt en manquer.
Le matcha, un produit devenu culte
Son goût végétal, sa couleur vive et ses vertus santé ont fait du thé matcha un produit incontournable de notre époque. Riche en antioxydants, sans caféine, bon pour la peau, la concentration et la digestion, ce thé japonais coche toutes les cases. Sur Instagram, les vidéos de latte vert fluo accompagnent désormais les hashtags bien-être, yoga, et routine du matin.
Largement adopté par la “gen Z”, le matcha n’est plus seulement une boisson : c’est un phénomène culturel. Et les marques l’ont bien compris. De grandes entreprises comme Nestlé, Häagen-Dazs ou Oreo proposent désormais leurs déclinaisons au thé vert. Les coffee shops multiplient les recettes à base de poudre de thé : glaces, gâteaux, tiramisu, smoothies... La demande mondiale explose.
Une production sous tension
Mais le succès du matcha repose sur un équilibre fragile. Ce thé vert japonais est un produit complexe, issu d’un savoir-faire ancestral. La production reste limitée, artisanale et dépendante de conditions naturelles très précises. Il faut plusieurs années pour qu’un plant de thé soit prêt. Et le processus est lent : une heure de broyage à la pierre pour 40 grammes de poudre seulement.
Les producteurs japonais, comme la célèbre maison Marukyu Koyamaen à Kyoto, tirent la sonnette d’alarme. Les capacités de production n’arrivent plus à suivre la demande. Résultat : les prix flambent, et les premières ruptures de stock apparaissent. Certaines maisons de thé ont dû introduire des limitations de vente, voire suspendre temporairement leurs services en ligne.
Au Japon, cette situation est vécue comme un paradoxe. Car si la demande mondiale explose, la consommation locale, elle, baisse depuis plusieurs années. Le matcha ne fait plus partie du quotidien de nombreux Japonais. Pourtant, c’est toujours le pays qui en produit la plus grande part, et qui garde la réputation de fournir le matcha de qualité.
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Des conditions de production de plus en plus difficiles
Plusieurs facteurs expliquent cette tension sur le marché mondial. D’abord, le climat. Les conditions météorologiques affectent de plus en plus les récoltes. Des épisodes de chaleur, d’humidité ou de pluie mal placés peuvent altérer la qualité des feuilles. Ensuite, la pénurie de main-d’œuvre agricole devient critique. Le Japon a perdu plus de 70 % de ses cultivateurs de thé depuis les années 2000.
Autre difficulté : la rareté du first flush, la première récolte du printemps, prisée pour sa finesse. C’est cette version premium qui alimente la majorité des produits vendus dans les maisons de thé et les coffee shops de luxe. Or, cette récolte n’a lieu qu’une fois par an. Pas de stock tampon possible. Quand c’est fini, c’est fini.
Le problème est structurel. Même si de nouvelles plantations sont lancées aujourd’hui, elles ne seront productives qu’à l’horizon 2028-2030. En attendant, la pénurie de matcha risque de s’installer dans la durée.
Explosion des prix et tensions sur le marché
La conséquence directe, c’est une envolée des prix. En France, le sachet de 50 grammes de matcha de qualité se vend aujourd’hui entre 10 et 35 euros. Soit jusqu’à 700 euros le kilo pour certaines références premium. Les prix observés au Japon flirtent parfois avec les 100 euros… la tasse, lors de dégustations VIP.
Les conditions générales de vente de certaines marques limitent désormais les achats à deux boîtes par client. Des groupes spécialisés ont même suspendu temporairement leurs expéditions vers l’international. Ce climat de tension commence à inquiéter les acteurs de l’agroalimentaire, de la cosmétique et même de la restauration.
Vers une crise mondiale du thé matcha ?
La pénurie de matcha pourrait devenir une véritable crise internationale, avec des répercussions dans de nombreux secteurs. Les chefs pâtissiers doivent déjà repenser certaines recettes. Les marques de cosmétiques commencent à chercher des alternatives. Les revendeurs, eux, redoutent les pénuries à répétition.
Faut-il pour autant s’inquiéter d’une disparition du matcha ? Pas tout de suite. Mais les producteurs japonais tirent la sonnette d’alarme : la priorité est de préserver la qualité. Augmenter les volumes en sacrifiant les traditions serait une erreur fatale. Le matcha ne doit pas devenir un simple produit industriel.