Il y a quelques années, Greenpeace menait une action pour faire interdire le chalutage de fonds en déposant des rochers de calcaire au fond de la Manche. Le 21 mai dernier, l’ONG a réitéré, cette fois-ci en Méditerranée dans le Golfe du Lion. Retour sur cette action en faveur de la protection des Océans que Parlons Planète vous décrypte aujourd’hui.
Une action choc de Greenpeace avec 15 blocs de pierre de calcaire largués en pleine mer
Le 21 mai 2025, depuis son navire Arctic Sunrise, Greenpeace a mis à l’eau 15 blocs de pierres massifs (deux deux tonnes chacun) dans une zone renforcée du Parc naturel marin du golfe du Lion à environ 3 000 mètres des côtes, au large de Perpignan. À quinze jours de la conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice en France, l’objectif était d’alerter le gouvernement pour enfin faire interdire cette pratique qui détruit les écosystèmes marins.
L’Union européenne a en effet confié à la France la responsabilité de protéger plusieurs aires marines, notamment dans le Golfe du Lion qui abrite une riche biodiversité au sein de ses 4 010 km². Pourtant, dans les faits, cette présence réglementaire est plutôt symbolique. Les zones classées comme aires marines protégées sont encore ouvertes au chalutage de fond et aux autres formes de pêche intensive. Pour Greenpeace France, cette incohérence justifie des actions fortes. L’ONG dénonce le manque d’évaluation sérieuse des impacts des pratiques actuelles sur les fonds marins, ainsi que l’absence de mesures pour atteindre les objectifs de protection fixés au niveau européen et international, notamment par les Nations Unies.
Au moment des faits, François Chartier, chargé de campagne océans chez Greenpeace France a défendu l’ONG en affirmant que la zone visée était “un sol de fond sédimentaire avec de la vase et du sable”, et qu’aucun écosystème vulnérable n'avait pu être détruit. Il avait également précisé que le but était de “prévenir les activités de chalutage de fond qui sont destructrices pour les habitats et les ressources”.
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Une action qui fait réaction
L’initiative de Greenpeace, aussi symbolique que controversée, a suscité un large éventail de réactions.
Du côté des institutions
Illégale, l’action militante de Greenpeace a suscité de nombreuses réactions, du côté des institutions mais aussi du côté des pêcheurs qui n’exercent pas le mode pêche visé par cette violente action. Du côté gouvernemental, la Ministre de la Transition Écologique Agnès Pannier-Runacher a pris la parole en disant que l’action menée par l’ONG est “illégale” et qu’elle s'apparente à “un coup de com inadmissible” avant de saisir le Procureur de la République. Selon ses dires, aucune activité de chalutage n'est exercée dans la zone ciblée par l’ONG.
L'autorité environnementale qu’est l’Office Française de la Biodiversité (OFB) n’en a pas dit moins dans un de ses communiqués de presse publié le 21 mai 2025. Elle a précisé qu’”aucune immersion de ce type ne peut être faite sans autorisation de l’État.” Que ce soit par les politiques publiques ou l’autorité environnementale, l’ONG est accusée d'avoir agi en dehors de tout cadre légal, dans une zone marine sensible qui nécessite au contraire une gestion rigoureuse et concertée.
Malgré ce qu’a certifié l’ONG Greenpeace, le président du parc naturel marin du Golfe du Lion, Serge Pallarès, et son directeur délégué, Hervé Magnin, ont tous deux souligné que les fonds sédimentaires visés sont des écosystèmes fragiles qui doivent être protégés non par des actions coup de poing, mais par une gouvernance partagée et raisonnée.
Du côté des travailleurs de la mer
Du côté des pêcheurs, les réactions sont tout aussi tendues. Bertrand Wendling, directeur général de l’Organisation de Producteurs Sathoan qui compte une flotte de 90 navires, alerte sur les risques que cette opération fait peser sur les professionnels de la mer. Dans le parc marin du Golfe du Lion, une grande diversité de métiers de pêche sont en effet exercés.
La présence soudaine de blocs rocheux dans une zone de travail représente un danger réel, avec des risques de dégâts matériels sur les navires et des risques d’accidents humains. Selon Wendling, “une telle action unilatérale ne tient pas compte de la réalité du terrain ni de l’expérience de ceux qui y travaillent chaque jour”. Pour ces pêcheurs, qui estiment déjà être engagés dans une évaluation constante de leurs pratiques, cette intervention de Greenpeace brouille les lignes et complique la politique de protection marine qu’ils souhaitent voir évoluer dans un esprit de concertation. En l’état actuel, l’objectif affiché par l’ONG entre en contradiction avec la présence active de professionnels qui connaissent bien les fonds marins et les fragilités de l’écosystème.
Des relations de plus en plus houleuses entre Greenpeace et l’État français
Si cette action dans le golfe du Lion a provoqué un tollé chez les institutions et les pêcheurs locaux, elle a également eu des répercussions symboliques à l’échelle internationale. À l’approche de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice, le navire Arctic Sunrise de Greenpeace (qui avait servi à déposer les blocs de calcaire) s’est vu interdire l’accès au port de la ville, ainsi que sa participation à la parade maritime du 8 juin dernier. Une décision que l’ONG relie directement à son action de mai contre le chalutage de fond. En réaction, Greenpeace a déposé une plainte officielle auprès de l’ONU, dénonçant l’exclusion de la société civile d’un sommet pourtant crucial pour l’avenir des océans. Aujourd’hui, ce bras de fer entre activisme environnemental et cadre institutionnel interroge. Jusqu'où une action illégale mais symboliquement forte peut-elle pousser un débat souvent trop lent à évoluer ?
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