Publié le 7 août 2025 par Elodie Santos
Réchauffement climatique : pourquoi tenir l’objectif de + 1,5 °C n’est plus possible ?

Pendant longtemps, l’objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C a été la ligne rouge à ne pas franchir. Ce seuil était au cœur de l’Accord de Paris signé en 2015. Il symbolisait l’espoir d’un monde encore vivable, avec des catastrophes « limitées », des écosystèmes préservés et des sociétés capables de s’adapter. Mais aujourd’hui, les scientifiques sont formels : cet objectif n’est plus atteignable. Alors, que s’est-il passé ? Pourquoi a-t-on échoué ? Et surtout, que peut-on encore faire ?

Un seuil symbolique… désormais irréaliste

C'était la promesse phare de l’Accord de Paris en 2015 : maintenir le réchauffement climatique sous la barre des +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Ce chiffre n’a pas été choisi au hasard. Il marque la limite au-delà de laquelle les effets du changement climatique deviennent beaucoup plus violents, parfois irréversibles : sécheresses extrêmes, mégafeux, montée accélérée des océans, disparition d’écosystèmes entiers.

Mais aujourd’hui, le constat est sans appel. Selon une vaste étude internationale impliquant plus de 60 scientifiques, dont des experts du CNRS, de Météo-France et du CEA, cet objectif n’est plus atteignable. Les émissions de gaz à effet de serre, loin de ralentir, ont encore augmenté en 2024. À ce rythme, le budget carbone — c’est-à-dire la quantité maximale de CO₂ que nous pouvons encore émettre pour rester sous les +1,5 °C — sera épuisé en un peu plus de trois ans.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

L'année 2024 a été un point de bascule. Non seulement les températures moyennes mondiales ont dépassé les +1,52 °C par rapport à la fin du XIXe siècle, mais les émissions de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record, avec plus de 55 milliards de tonnes de CO₂ équivalent rejetées dans l’atmosphère.

En cause : la combustion massive de pétrole, de gaz et de charbon, mais aussi la déforestation continue. Ces deux phénomènes combinés renforcent l’effet de serre et accélèrent le réchauffement.

Le climatologue Pierre Friedlingstein, chercheur au CNRS, résume la situation : « Le dépassement du seuil de +1,5 °C est désormais inéluctable. »

Un réchauffement plus rapide que prévu

Au-delà des moyennes annuelles, les scientifiques observent un phénomène inquiétant : l’accélération du réchauffement. Selon les dernières données, la hausse de température s'intensifie à un rythme inédit, jamais observé auparavant dans l'histoire humaine.

Cette tendance est renforcée par l’inertie du système climatique. Même si nous arrêtions immédiatement toutes nos émissions — ce qui est irréaliste —, la planète continuerait de se réchauffer pendant encore plusieurs décennies.

La chercheuse Aimée Slangen, de l’Institut royal néerlandais de recherche sur la mer, évoque un autre indicateur-clé : le niveau des océans. Entre 2019 et 2024, il a augmenté de 26 mm, soit 14 fois plus vite qu’au siècle précédent. Cette montée des eaux rend déjà certaines zones côtières inhabitables, notamment dans les pays insulaires.

Pourquoi a-t-on échoué ?

Derrière ce constat d’échec, il y a une série de responsabilités. Elles sont collectives, mais aussi très politiques.

D’abord, les gouvernements du monde entier n’ont pas tenu leurs promesses. Les “objectifs 2050”, les “neutralités carbone” et les plans de transition sont restés trop souvent lettre morte. Les annonces ont été nombreuses, mais l’action concrète n’a pas suivi.

Les politiques climatiques ont été freinées par des lobbies puissants, des intérêts économiques à court terme et des systèmes énergétiques toujours dominés par les énergies fossiles. Même dans des pays comme la France, des reculs récents — comme la suppression de certaines zones à faibles émissions ou l’autorisation de pesticides interdits — montrent un manque de cohérence.

Ensuite, notre modèle économique, fondé sur la croissance permanente, la consommation de masse et l’exploitation des ressources naturelles, entre en contradiction directe avec les limites planétaires. Parler de “croissance verte” ou de “capitalisme durable” ne suffit plus, affirment de nombreux experts.

Des conséquences très concrètes

Ce dépassement des +1,5 °C n’est pas une simple question scientifique. Il aura — il a déjà — des effets très concrets sur nos vies.

  • Canicules plus longues et plus meurtrières dans les villes mal préparées.
  • Agriculture fragilisée, avec des pertes de récoltes et des pénuries alimentaires plus fréquentes.
  • Ressources en eau menacées, notamment dans les régions méditerranéennes.
  • Accélération de la perte de biodiversité, avec des espèces incapables de s’adapter à des changements aussi rapides.
  • Et bien sûr, des mouvements migratoires massifs, causés par la montée des eaux, les conflits liés à la ressource, ou les territoires devenus invivables.

Alors, que faire maintenant ?

Il est trop tard pour tenir l’objectif de +1,5 °C. Mais il n’est pas trop tard pour agir.

Le nouveau cap doit être clair : limiter au maximum les dégâts futurs. Cela signifie éviter autant que possible de franchir les +2 °C, voire +2,5 °C. La logique reste la même : plus on agit vite, plus on limite les souffrances humaines, les pertes économiques, et les destructions irréversibles.

Pour y parvenir, les leviers sont connus :

  • Réduction massive et rapide des émissions de CO₂, via la sortie des énergies fossiles.
  • Développement des énergies renouvelables, mais aussi de la sobriété énergétique.
  • Réforme de l’agriculture et de l’usage des sols, pour capter davantage de carbone et préserver les écosystèmes.
  • Investissements dans l’adaptation, car certains effets du dérèglement climatique sont désormais inévitables. Vous pouvez consulter la Stratégie nationale d’adaptation au changement climatique

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